Une vie merveilleusement bien remplie
La galerie 2B est tenue par deux feres courageux, les Böröcz, dou vient le nom – un nom a double sens dailleurs, faisant référence aussi au crayon 2B.
Cet éternel jeune homme József Román
Dans cet appartement transformé en galerie dans la vieille partie de Budapest, a Óbuda, une foule damis artistes et amateurs dart sont venus saluer József Román. Ce jeune homme a lesprit révolté fete ses 90 ans. Un peu plus loin sa femme Panni – lentoure avec amour dans toutes ses activités.
Cet homme né dans la pauvreté – une famille ou la maman ayant perdu son mari durant la Grande guerre, avait dű élever seule quatre enfants,- a vagabondé a travers le monde. Ebéniste, il est devenu historien et critique dart. Installé a Paris, il sest lié amitié avec les plus grands artistes contemporains. Interné au camp du Vernet pendant quelque temps il est voisin dArthur Koestler, mais il sévade pour entrer ensuite dans la Résistance. Revenant en Hongrie, cest la désillusion peu apres la Libération. Les difficultés dun homme dans lopposition lui valent en meme temps lamitié des meilleurs artistes dont il ne cesse décrire les critiques.
László Böröcz explique quil a réuni simplement des oeuvres des artistes sur lesquels József Román a écrit, rien que des oeuvres de valeur ! Ils ont exposé des coupures de presse et des livres également. Il savait tres bien que ŤJóskaĹĽ protesterait contre une telle fete qui lui rappellerait les tristes années du culte de la personnalité – alors peu a peu il len a convaincu et au vernissage il lui a chanté un air de Don Giovanni ! Car András Böröcz est aussi un chanteur dopéra. Il fait la navette entre Cluj et Budapest. Son frere András Böröcz est venu spécialement de New-York – ou il vit – pour le vernissage et a présenté deux de ses sculptures émouvantes. Lune est construite de crayons et cest une tour! Un regard tout a fait particulier que celui dAndrás Böröcz avec cette tour composée de plusieurs centaines de crayons, réalisée en 2000 ! Comme sil avait pressenti lattentat du 11 septembre avec sa tour blessée. Lune de ses spécialités est de construire avec des crayons des figures, presque des cathédrales. Il a une dextérité tres rare – dit József Román et de continuer : cest peut-etre insolent de le dire, mais selon lui, András Böröcz a fait lĹuvre du siecle, le chef-dĹuvre de toute la sculpture hongroise qui sappelle ŤLes pendusĹĽ et que lon peut voir au musée des Beaux-Arts. Toute la tragédie humaine y est, car toutes ces personnes ont une double fonction tragique : les hommes exposés a toutes les terreurs, et en meme temps chaque figure est personnelle, et toutes ces figures sont des instruments de musique.
Pour ce vernissage, András Böröcz a présenté une maquette tragique et amusante a la fois ou la mémoire des déportés et une ancienne tradition juive, le souvenir des temps bibliques lointains et celui du Purim se confondent : dans ce bel objet tragique, il y a un petit wagon sculpté et a lintérieur des marionnettes de bois – a limage danciens instruments folkloriques – font du bruit pour chasser lennemi. Il veut réaliser cette idée dans un monument historique de Budapest sauvant ainsi lédifice et érigeant un monument de lHolocauste a lemplacement de lancien ghetto.
Mais il y a la dautres oeuvres qui vont du tragique jusqua lhumour sur tous les registres: ainsi la caricature de Saul Steinberg, qui, durant 40 ans a fait des milliers et des milliers de caricatures et a réussi a montrer le cőté comique et tragique de lhumanité.
Il y a des sculpteurs aussi qui arrivent a sexprimer ainsi : Zsuzsa Lóránt a le sens de la caricature : sa statue exposée a cőté de Steinberg est une espece de caricature de son mari et delle-meme. Dune maniere tres plastique, elle présente cette différence de taille entre eux et en meme temps cest plein de tendresse et cest la son vrai talent.
Il y a la statue de Katalin Sylvester dont József Román avait aussi envie de parler car il trouve quelle a un talent extraordinaire bien que caché. Elle a abandonné la peinture pour sculpter ses statues en bois – il a écrit sur elle un papier analytique – son exposition a Mücsarnok est passée presque inapercue, donc il veut lencourager par tous les moyens.
Et puis il y a ceux qui sont devenus les classiques, comme Kassák. Ensuite le sculpteur István Haraszty ou le couple Mária Lugossy et Zoltán Bohus qui réalisent de beaux objets en verre. Le sculpteur József Jakovits dont loeuvre est imprégnée par Eros. Et József Román nous guide a travers les salles de lexposition : il parle du destin tragique du peintre Sándor Altorjai et du sculpteur Rezsö Berczeller que les critiques staliniens ont empéché dexposer dans les salons. Il parle de tous ces artistes renommés, comme Margit Anna et Lili Ország – il a donné a Lili des livres interdits sur les surréalistes et le réalisme magique de Chirico.
Comme il a passé de nombreuses années en France ou il sest marié pour la premiere fois – ce nest pas leffet du hasard que bon nombre des oeuvres exposés soient des références francaises tres connues : József Rippl-Rónai, Lajos Vajda, Tamás Konok.
Depuis aa jeunesse, son grand ami a été Endre Bálint dont la Bible de Jérusalem est exposée en ce moment a lInstitut Hongrois de Paris : Román dit que cette Bible est une des oeuvres principales de Bálint que les Editions Labergerie aient publiée. Román a écrit une monographie sur Bálint du vivant de ce peintre surréaliste. Il a réussi a décrire son univers avec des conflits terribles a lintérieur de lui-meme et toutes ses toiles splendides.
Éva Vámos
2004. április